KENNEDY
Quincy était une rock star.
Moi, j’étais une merde.
En rentrant du travail, j’avais découvert que ma femme avait eu des contractions pendant toute la journée, sans que je n’en sache rien. Sept heures à chronométrer ses contractions, seule dans notre maison. Deux semaines plus tôt que prévu.
Mais les bébés n’arrivent jamais à la date prévue, comme elle me l’avait rappelé quand j’avais commencé à paniquer et à courir dans la maison comme un imbécile à la recherche de ses affaires pour faire son sac. Oui, voilà comment j’avais réagi. Une vraie attitude de marine des Navy SEAL.
Maintenant, je me tenais derrière elle dans la chambre d’hôpital, je la soutenais alors qu’elle se balançait doucement d’avant en arrière pour encourager notre fille à faire son entrée–au sens propre du terme– et je n’arrivais pas à croire à la force de cette femme.
Bien sûr, elle avait refusé d’avoir une péridurale. Quincy était une guerrière.
J’avais appelé sa mère pendant le trajet vers l’hôpital et la pauvre femme était bouleversée parce qu’elle voulait être là pour la naissance et avait prévu de prendre l’avion le lendemain. Mais il s’était avéré que comme son mari était un amiral de la marine, des montagnes pouvaient être déplacées, si bien qu’elle allait être là d’une minute à l’autre.
Le reste de l’équipe, y compris Mme L, Indi et Megan, s’était rassemblé dans le couloir de l’hôpital, même si je leur avais dit de rentrer chez elles et d’attendre des nouvelles. La durée moyenne de l’accouchement pour un premier bébé était de dix-huit heures. Oui, je m’étais renseigné. J’avais fait des recherches sur les accouchements afin d’être le mieux préparé possible pour jouer les copilotes.
— Tu t’en sors bien, mon cœur, murmurai-je à l’oreille de Quincy alors que tous les deux–je voulais dire tous les trois–nous nous balancions d’un pied sur l’autre dans un slow.
Quand Quincy ne répondit pas, je dus regarder son visage pour comprendre qu’elle avait une autre contraction. Mais ma femme ne faisait pas un bruit. Ce n’était pas comme dans les films où la femme criait et hurlait, allongée sur le dos en respirant rapidement.
— Oh ! s’exclama-t-elle, en plongeant sa main entre ses jambes. Ça y est.
— Comment ça, ça y est ? dis-je en clignant des yeux, puis la panique me gagna.
L’infirmière présente dans la pièce réagit immédiatement.
— Remettez-la sur le lit, ordonna-t-elle en appelant une infirmière dans le couloir, allez voir si le Dr Angelo est dans les environs.
À Quincy, elle dit d’un ton rassurant :
— Je vais regarder à nouveau votre dilatation. Elle avait demandé à le faire trente minutes plus tôt, mais Quincy avait refusé parce qu’elle était dans une phase de travail plutôt lente et que les contrôles pour voir de combien de centimètres elle était dilatée l’avaient découragée. Elle n’avait été qu’à six centimètres après treize heures de travail.
— C’est trop tard, dit Quincy d’une voix haletante alors que je tentais de la guider vers le lit.
— Comment ça, trop tard ? J’essayais de garder mon calme, mais voir ma magnifique femme souffrir pendant que je n’avais rien pu faire m’avait rendu fou.
— Mettez-la sur le lit, dit l’infirmière en maintenant une voix douce, mais néanmoins insistante.
Quand les pieds de Quincy refusèrent de bouger, je passai un bras derrière ses genoux et la soulevai, la portant sur quelques mètres jusqu’au lit. Elle s’agrippa à mes bras avec une force meurtrière.
— Kennedy…
— Oh mon dieu. Appelez le Dr Angelo ! s’exclama l’infirmière en regardant entre les jambes de Quincy.
Le médecin de Quincy arriva, marchant d’un pas rapide, mais avec le sourire. Elle enfila ses gants pendant que l’infirmière aidait Quincy à se mettre en position.
— Votre bébé est en train de sortir, Melissa. On dirait que les choses ont évolué rapidement. Cette danse hawaïenne a dû vous aider.
Je tenais la main de Quincy et elle la serrait si fort que les articulations de mes doigts craquèrent.
— C’est la tête. Bravo, Melissa.
Je fixais la petite tête brune qui venait d’apparaître.
Juste à ce moment, la mère de Quincy se précipita dans la salle d’accouchement, tout essoufflée. Elle jeta son sac à main dans le coin et se rapprocha à toute vitesse.
— Juste à temps, lui dis-je. Amelia va faire son entrée en scène.
— Oh mon dieu ! Janet était déjà en larmes et pressait sa main sur sa bouche pour retenir ses sanglots de joie.
Ses larmes m’embuèrent les yeux. Jusqu’à présent, je ne m’étais concentré que sur Quincy, ma femme si courageuse et si belle. Mais dans quelques minutes, notre petite fille serait là dans ce monde avec nous. Mes genoux en tremblaient, je me sentais tellement reconnaissant.
— Voilà les épaules. Bien joué, votre bébé est là, dit le Dr Angelo, en attrapant habilement Amelia au moment où elle sortit. Vous avez réussi !
Amelia ouvrit sa petite bouche et se mit à hurler.
— J’ai réussi, dit Quincy en riant.
— Oui, exactement, lui murmurai-je, émerveillé, en partageant mon attention entre notre petit ange et le visage fatigué mais extatique de ma femme.
Le médecin pinça le cordon et le coupa, puis l’infirmière s’approcha pour prendre le bébé et le nettoyer. Pendant tout ce temps, je serrai la main de Quincy et déposai des baisers sur son front.
— Tu as été incroyable. Tellement forte. Tellement courageux. Tu vas être une excellente maman.
Quincy commença à sangloter comme sa mère.
— Je voudrais la voir. Elle se tourna pour voir où l’infirmière pesait et mesurait rapidement Amelia.
— Il faut que vous poussiez encore un peu pour le placenta. Le Dr Angelo tira doucement sur le cordon sectionné pour l’aider.
Quincy ne faisait pas attention, car l’infirmière apportait notre petit ange, tout propre et enveloppé dans une couverture avec un petit bonnet sur la tête.
— Amelia, voici ta maman. L’infirmière lui mit Amelia dans les bras.
— Elle est si belle ! dit Quincy en pleurant.
— Elle ressemble à son papa, dit Janet. Elle a tes fossettes, déclara-t-elle avec un sourire larmoyant.
Je clignai des yeux pour repousser mes larmes. J’avais une fille. C’était réel, intimidant et incroyable.
— Je l’aime déjà tellement, dis-je la gorge serrée.
Quincy leva son visage en larmes.
— Je t’aime tellement, chuchota-t-elle.
Je ne pouvais pas parler. Trop d’émotions me traversaient. L’unique chose que je pouvais faire, c’était de la regarder dans les yeux et regarder le petit visage de notre nouveau-né et je savais que c’était le meilleur moment de ma vie.