Épilogue Bonus
Asher
Vivre dans une ville entouré d’humains, c’est difficile. Lotta et moi avons emménagé dans l’appartement tous frais payés au sein du Swan Hotel. Une fois que sa résidence de six mois sera terminée, on pourra aller s’installer dans le logement du campus financé par ma bourse.
Jouer au football dans une équipe humaine est un exercice de contrôle permanent. Cacher qui je suis. Prétendre que je suis faible, ou maladroit, ou fatigué, alors que ce n’est pas le cas. L’université de Los Angeles m’a doté d’une bourse totale, mais je n’ai pas envie de trop en faire et risquer de tout perdre.
Rien de tout cela n’a d’importance parce que je suis ici avec ma compagne. Je vivrais dans un trou de deux mètres sur deux si c’est là qu’elle est.
Mais le match de ce soir est différent. Il reste cinq minutes de temps règlementaire et on est à égalité contre l’université d’Arizona State, une équipe avec quatre loups de ma meute.
Je joue contre les gars avec qui je fais du foot depuis que je suis petit. Cole Muchmore, Bo Fenton, et Wilde Woodward sont en troisième année à l’université à Arizona State. Wilde a été transféré de Duke, car sa compagne (et demi-sœur !) Rayne était là-bas. Mon meilleur ami, Abe Oakley a aussi obtenu une place dans leur équipe cette année.
— Tu vas te faire plaquer, Martin, gronde Bo quand on se retrouve face à face de chaque côté de la ligne.
— Dans tes rêves, Fenton.
Je jette un coup d’œil à mes coéquipiers – les humains qui ont gagné mon respect – et je leur fais un signe de tête d’encouragement.
Ils acquiescent en retour.
Je suis peut-être en première année, mais j’ai pris le rôle d’alpha de l’équipe. Celui que Lotta et le coach Jamison étaient sûrs que j’étais. Je ne suis ni le capitaine de l’équipe ni le quarterback, mais je donne des ordres à mes coéquipiers quand même. Ils suivent mes directives sur et hors du terrain.
Je mets mon protège-dents en place, me préparant à percuter l’équivalent d’un monster truck. On fait peut-être partie de la même meute, mais ce soir, on est rivaux.
Au moins cent membres de la meute ont fait le déplacement pour ce match, y compris le coach Jamison, ma mère et les parents de Lotta. Tout le monde veut avoir la chance de regarder les stars de Wolf Ridge s’affronter dans une confrontation universitaire.
Ils en ont fait une fête, à traîner toute la journée autour du stade avec les coffres des voitures ouverts, à prendre des paris sur l’équipe qui remporterait la victoire. Je les ai rejoints avec Lotta pour quelques heures avant de rentrer avec l’équipe pour le discours d’avant-match et l’échauffement.
Ce n’est pas comme les matchs du lycée, quand c’était le coach Jamison qui décidait si on gagnait ou si on perdait. Là-bas, notre boulot c’était de garder le score secret et de faire un beau match pour le public, qui nous acclamait plus pour le spectacle que la victoire. Chaque métamorphe de Wolf Ridge comprenait qu’on devait faire semblant de perdre parfois pour qu’on ne nous soupçonne pas. On ne pouvait pas remporter le championnat d’État tous les ans. Et on n’avait jamais, jamais le droit de blesser un humain.
Tout ce que j’ai appris au lycée m’a préparé pour la fac. Et désormais, je peux enfin lâcher mon loup.
Je vois la lueur des yeux de loup de Bo juste avant qu’on se fonce dessus. On décolle tous les deux de la pelouse, et, à en juger par les craquements de nos protections d’épaules, j’imagine que notre équipement est foutu.
Bo grogne, son loup aussi excité que le mien par cette occasion de se battre réellement. Contre un véritable adversaire.
Je passe devant lui alors que Cole, leur quarterback, cherche une ouverture.
Il faudra déjà me passer sur le corps.
Bo me tacle et je tombe par terre, mais je roule et me relève pour continuer à courir. Wilde est démarqué, et Cole lui fait la passe.
Je ne devrais pas faire ça. Le coach Jamison et l’Alpha Green me couperaient les noix si je l’avais fait à la maison, mais il est hors de question que je laisse ces trous de balle gagner. C’est quatre loups contre un, et, pour une raison ou pour une autre, ça me donne l’impression que j’ai quelque chose à prouver.
Je saute en sprintant, étirant mes doigts en l’air et arquant mon corps pour atteindre la balle. J’arrive à l’intercepter, mais je vais atterrir sur le flanc. À la dernière seconde, je parviens, je ne sais comment à faire pivoter mon torse dans la direction opposée à ma trajectoire, et à atterrir sur mes pieds.
Je repars en courant.
Les gradins des Bruins deviennent fous, hurlant à pleins poumons. Je traverse le terrain en direction des poteaux. Ça fait presque soixante-dix mètres, mais j’ai lâché la bride à mon loup. Ses réflexes me permettent d’esquiver tous ceux qui essaient de m’arrêter.
Wilde me poursuit, mais je suis trop rapide. J’arrive au bout du terrain et marque un touchdown juste avant la fin du match.
Les gradins explosent à cause des spectateurs qui crient et qui tapent des pieds.
Je célèbre la victoire en faisant un salto, puis lève le ballon en l’air et cherche Lotta dans les gradins. Elle est assise avec les fans d’Arizona State pour être près de la meute, mais elle saute sur place, ses cheveux s’envolant dans tous les sens. Je fonce vers elle, mais mes coéquipiers m’entourent et me tapent sur le casque avec des étreintes viriles.
Les fans des Bruins scandent mon nom, et chantent la chanson qu’ils ont inventée un peu plus tôt dans la saison pour moi. Je suis bien connu pour mes interceptions de dernière minute. Eh oui.
Je sprinte vers les sièges du côté visiteurs.
Rayne saute par-dessus la balustrade pour se jeter dans les bras de Wilde. Bailey a déjà enroulé ses jambes autour de la taille de Cole. Sloane, la compagne de Bo, se penche pour l’embrasser.
— Viens là, bébé, appelé-je Lotta.
Elle se sert un peu du talent de sa louve et monte sur la balustrade pour sauter un peu trop loin, et que je la rattrape comme une princesse dans mes bras.
Oups. Les médias ont sans doute vu ça, et l’Alpha Green va faire une crise cardiaque, mais je m’en fiche. On n’a pas assez l’occasion de sortir nos loups pour qu’ils se dégourdissent les pattes, à Los Angeles.
— Tu as été incroyable ! s’exclame Lotta pendant que je la fais tournoyer.
Elle essaie de m’enlever mon casque pour m’embrasser, et je l’aide un peu.
— Est-ce que c’était répété ?
J’éclate de rire.
— Tu crois que le coach Jamison a toujours le droit de décréter si on gagne ou non ?
— Tu as fait ça tout seul ?
Je revendique sa bouche, en le faisant toujours tourner lentement, en la raccompagnant du côté des Bruins.
— Attends de voir la revanche ! me crie Cole.
Je lui fais un doigt d’honneur. ? Je devrais les laisser gagner la prochaine fois. Je le ferai.
Mais c’est trop agréable de réussir quelque chose par moi-même après avoir eu l’impression de ne pas être à ma place pendant toute mon adolescence. Chaque jour passé avec Lotta me donne l’impression d’être Plus capable. Plus héroïque.
— C’était pour toi, bébé. Je ne voulais pas que tu croies que les compagnons des autres filles étaient meilleurs que le tien !
Lotta glousse en entendant ma plaisanterie, mais c’est la vérité. Je veux être un héros à ses yeux. Je veux lui prouver ma valeur de toutes les façons possibles. Dans mes études, dans l’équipe, en tant qu’alpha, en tant que petit ami et compagnon.
Parce que rien ne m’a jamais paru aussi bon que savoir qu’elle m’appartient. J’ai une compagne précieuse, pour qui, non seulement je mourrais, mais pour qui je veux aussi vivre.
— Mon héros.
Lotta papillonne des cils et je l’embrasse une nouvelle fois avec passion.
Ce soir, on va pouvoir passer du temps avec notre meute, mais quand on sera seuls à nouveau, ce héros a bien l’intention de l’impressionner de toutes les façons possibles.